En fauteuil Simone !

Vivre avec une algodystrophie, les premiers jours – chapitre 3

Avoir une algodystrophie à la cheville, c’est aussi pour moi, comme pour beaucoup, synonyme de difficultés plus ou moins importantes pour marcher. Et dès que la situation s’installe un peu, la conséquence devient assez rapidement : le fauteuil roulant… A à peine 30 ans, s’asseoir dans un fauteuil pour la première fois c’est s’asseoir sur un idéal de jeunesse, de bonne santé et ça remet presque tout en perspective.

Première sortie en fauteuil

J’ai eu la chance de pouvoir anticiper que les déplacements risquaient d’être compliqués après ma chirurgie du pied et j’ai pu questionner mon entourage à la recherche d’un fauteuil roulant, avant même que l’algodystrophie ne débarque dans ma vie. Un ami a bien gentiment accepté de fouiller dans sa cave pour me trouver une relique pas bien perfectionnée, mais qui roule, et c’est ce qu’on lui demande avant tout !

L’algo m’empêchant – au début – de pouvoir poser mon pied sur le sol et encore moins de prendre appui sur ma jambe droite, c’est l’heure des premières sorties en fauteuil. Histoire de ne pas oublier que la vie c’est cool même avec un membre inférieur déficient, je décide d’aller boire un verre avec des amis quelques jours après mon diagnostic. Une copine prend son courage, et les poignées de mon bolide, à deux mains et nous voilà parties à l’aventure. Le premier bord de trottoir, a été, comment dire, rencontré très frontalement !

Mais l’engin me permet de ne pas tirer un trait sur mes sorties au bar, alors le jeu en vaut bien la chandelle. Et la soirée fut délicieuse, la bière sans alcool une belle expérience (sous morphine, autant dire que le mojito n’était pas conseillé) et le retour à la maison sans encombre. Tout roule !

Les obstacles de la rue

Mais au fur et à mesure de mes sorties en fauteuil, les désillusions s’enchainent et le constat est édifiant : la ville n’est pas faite pour les personnes à mobilité réduite. Mais alors pas du tout. Dans mon quartier, pas un trottoir n’est plat, et le dévers est difficile à maitriser. Dès que la vitesse n’est pas suffisante, je me prends les voitures stationnées au bord. Et justement, entre les véhicules mal garés, les poubelles mal rangées, les panneaux pour travaux et évidemment les délicieuses crottes de chiens, le moindre trajet est un parcours du combattant. Et je n’ai pas osé prendre les transports en commun en fauteuil mais j’imagine déjà le tableau et les ascenseurs en panne, voire inexistants.

J’ai finalement la chance d’avoir trop mal et d’être trop fatiguée pour avoir envie de visiter ma ville sur quatre roues. Mais cette prise de conscience en pleine face de ce que doivent vivre au quotidien « les personnes en fauteuil roulant pour toujours » est particulièrement violente.

On n’y pense pas tant que ça, en fait. En tout cas moi, je le reconnais et je l’encaisse.

Voir et être vu à une hauteur différente

Au delà de cette baffe de la non-accessibilité, se retrouver dans un fauteuil roulant c’est globalement revoir complètement son point de vue sur le monde. Car assis, le monde est à portée de vue à une hauteur complètement différente. Au fond de moi, je l’ai tout de suite perçu comme une position de vulnérabilité. Quand le monde entier autour est debout, se retrouver assis est en effet très déstabilisant. Voire infantilisant, quand on passe d’1m70 à la taille d’un enfant de 10 ans.

Et la perception des autres, est tout à fait différente aussi. En tout cas, la perception que j’ai de la perception que les autres ont de moi (respiration) ! J’ai l’impression que les gens me regardent et agissent autrement : entre compassion et ennui, entre gêne et indifférence. Ça me donne la sensation d’être profondément différente.

Liberté et acceptation

Mais malgré tout, le fauteuil est pour moi un outil de liberté absolue, qui me permet de sortir plus loin que mon périmètre de béquilles (autour de 600m à l’heure actuelle !) et de ne pas renoncer à une vie sociale. Aujourd’hui, je le vois comme un moyen de me faire avancer, de continuer à vivre « presque pareil ».

Il m’a aussi aidé à accepter que mon corps avait changé, que je n’arrivais plus à le maitriser comme avant et que ses besoins et capacités n’étaient plus les mêmes. J’ai eu la chance d’avoir eu cette prise de conscience assez rapidement et j’ai l’impression que le fauteuil a été un accélérateur dans ce travail sur moi.

Je sais que les choses ne sont pas vécues par tous de la même façon et c’est aussi parce que mon algodystrophie est modérée et que je m’en sors presque exclusivement avec des béquilles que cette étape du fauteuil n’a pas été aussi compliquée pour moi.

Enfin, je relativise encore plus mon sort parce que je sais que ce n’est qu’un épisode, le fauteuil roulant n’est que de passage dans ma vie et que de nombreuses personnes n’ont pas cette chance et le vivent au quotidien et sans espoir de se lever un jour et de marcher.

Presque la trentaine, algodystrophiée de la cheville since 2017.
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